L’aspect économique du marketing sonore
Interview de Artero Pascal
Entretien avec Artero Pascal, Gérant de La Suite, Le Stendhal & La Javanaise
3 discothèques Brestoise aux univers différents
Après avoir choisi entre différentes thématiques pour monter un dossier d’expertise marketing, nous avons sélectionné le sujet ci-dessus. A partir de ça, nous devions répartir le travail avec chacun une partie différente à traiter. Pour ma part, je dois travailler la partie sur “L’aspect économique du marketing sonore”. J’orienterai donc mes questions sur le comportement des clients par rapport à ce que vous proposez dans vos 3 structures, quelle est d’ailleurs le type de clientèle qui s’y présente, et comment a évolué la consommation et les goûts musicaux au fil des générations.
D’un commun accord avec M.Artero, nous avons décidé de faire un compte rendu global par rapport aux questions posées, histoire d’avoir une chronologie spécifique face au sujet traité compte tenu de l’activité de ses 3 entreprises à savoir, la discothèque. Ses 3 lieux sont les suivants :
- La Suite : public inter-générationnel avec de la musique électronique et actuelle.
- Le Stendhal : public jeune et adulte avec de la musique généraliste.
- La Javanaise : public plus âgé avec la musique des années 60 à 90.
La diversité musicale proposée par ces lieux est différente par rapport aux autres discothèques “à papa” comme on le surnomme si bien dans le milieu. La programmation y est riche et originale, on y développe une certaine niche musicale différentes. Elle peut très bien abriter les années 80, différents genres et sous-genres de l’électro et la musique généraliste. Il faut correspondre à la spécialité et la généralité des clients. Nous répondons donc à un besoin qui est global.
A l’époque, l’aspect du lieu jouait beaucoup. Il fallait une ambiance tamisée, avec de la moquette, des sièges, etc.. Les coins VIP n’existaient pas, la distinction était donc moins importante que dans certains lieux aujourd’hui où il est important pour le public qui consomme beaucoup, de se retrouver à une certaine place dans le lieu qu’il aura au préalable choisi pour y passer sa soirée, selon la programmation musicale. Et puis, les bars fermaient à 1h, et automatiquement, les gens venaient directement en discothèque et ce n’était pas rare qu’à 1h15 on fermait les portes des boîtes de nuit parce que le lieu affichait complet.
Pourquoi parler de tout ça ? Car aujourd’hui, le rapport à la fête et la consommation de la musique a énormément évolué. En 2020 quand on était ouvert, c’est tout juste si l’ouverture des portes commençait à 1h du matin aussi (voir 0h30) mais maintenant, les gens arrivent au compte goutte, car ils consomment différemment et ailleurs. Ils consomment de la musique en “before” et notamment en streaming et ils se mettent dans l’ambiance sans contraintes. Ils n’écoutent plus la musique qui passe dans la boîte de nuit sans avoir réfléchi au préalable au lieu et à sa programmation et sans avoir eu la liberté de consommer la musique comme bon leur souhaite sur les plateformes de streaming ou autre. C’est devenu naturel aussi car les gens n’ont plus forcément de pouvoir d’achat et donc il ne peuvent plus se permettre d’aller au bar en début de soirée, pour ensuite continuer à dépenser en discothèque. La diversité musicale est tellement large aujourd’hui que les choix ne s’imposent plus aux clients, c’est eux qui choisissent. D’où l’importance de proposer une musique qui va fédérer et fidéliser le client.
Nous pouvons évaluer précisément 2 types de consommateurs autour des clubs :
- Les spécialistes, avant-gardistes ou aficionados dans un univers spécifique qui vont prendre des risques et être plus à cheval sur la qualité de la programmation.
- Les généralistes, qui eux sont plus libres sur la consommation musicale imposée et se dirigeront naturellement vers des lieux à la programmation variée et récente.
Un autre détail important est à prendre en compte également, c’est la réputation du lieu et les ragots qui peuvent beaucoup jouer sur le choix de venir consommer ou non dans tel ou tel lieu.
Concernant la diversité du public, elle ne se définit plus. Avant selon les spécificités d’il y a 30 ans par rapport à ce qu’on expliquait un peu plus haut (les bars jusqu’à 1h puis complet à 1h15) c’était “facile” de trouver son public car il était très vaste. Aujourd’hui les gens viennent par rapport à ce que l’on propose, ils répondent à leurs propres critères, on prend ce qui se présente. Les gens viennent rechercher un partage, une communion dans nos lieux. Ils veulent se retrouver dans un endroit avec des personnes qui leur correspondent.
En ce moment c’est compliqué du coup avec la fermeture face au COVID. Du coup les clients habituels ou ceux qu’on aurait dû aller chercher (les nouvelles générations d’étudiants ou d’habitants de Brest) découvrent ou utilisent d’autres canaux pour consommer la musique. Comparaison simple avec nos lieux : l’accès à la musique est facile aujourd’hui, et la qualité de diffusion est largement meilleure qu’à l’époque (casques, sono, etc..), les choix de diffusion sont nombreux et diversifiés (on choisit d’écouter et on diffuse ce qu’on veut et comme on veut).
Et après le COVID ? Qu’est ce qu’il va se passer du coup ? L’impact après la crise sanitaire et au moment de la réouverture ? M.Artero pense qu’il y aura vraiment 2 phases qui vont se créer au fil du temps, et voici son point de vu :
- 1ere phase : lâchage complet, les gens vont chercher à se retrouver, sans suivre forcément ce qu’il va se passer qu’importe ce qu’il sera proposé ou organisé. Combien de temps ? On ne sait pas. Mais ça va être important. Et d’autres gens à l’inverse ne viendront pas parce que ça ne leur plaira pas par rapport à ce qu’ils auront imaginé (nouvelles générations ou nouveaux clients), ou auront toujours une certaine peur à cause de la crise sanitaire.
- 2nd phase : ça va se stabiliser (là non plus on ne sait pas combien de temps après). Chacun va choisir finalement comment il va continuer de consommer et faire la fête. Ou alors ça va vraiment exploser et il y aura une nouvelle vie nocturne.
M.Artero pense même que l’ambiance qui régnera à l’après Covid pourrait certainement ressembler à 1945 ou 1998 par exemple, car il y aura une certaine folie, une libération.